logo-supersport

Requiem pour Hayatou, champion dans la confiscation du pouvoir

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp

Issa Hayatou est mort. Le foot africain est frappé par un deuil. Immense. Il ne finira non plus pas de sitôt de pleurer Hayatou. Car, pendant plus de deux décennies, il aura été l’un de ses plus illustres serviteurs. Le plus illustre certainement des quatre présidents qui l’ont précédé à ce prestigieux poste.

S’il est vrai que les Abdelaziz Salem, Mohamed Moustapha, Abdel Halim Muhammad, Ydnekatchew Tessema, Fred Fell et autres l’ont porté sur les fonts baptismaux, un vendredi 8 février 1957, lors à Khartoum, au Soudan, le Camerounais aura donné au foot africain ses lettres de noblesse. En termes de compétitivité. Et d’attractivité. Et de retombées financières. Notamment au niveau des droites télés et du marketing.

Son charisme et son autorité ont fait plier la FIFA, qui a accordé 5 places à l’Afrique en Coupe du Monde. D’une place en 1934 (l’Egypte, premier pays à participer à une phase finale de CM), il aura fallu patienter 48 ans, c’est-à-dire, Espagne 82 pour que le continent ait 2 places. Puis 12 ans après, pour grimper à 3 pays qualifiés à Etats-Unis 94. 4 ans plus tard, le président Issa Hayatou bataillait pour que le continent ait 5 places. Et, cerise sur le gâteau, elle obtient l’organisation de la CM 2010 en Afrique du Sud.

En fait, que ce soit Joao Havelange ou Sepp Blatter, ces deux présidents de la FIFA ont trouvé en Issa Hayatou un interlocuteur valable pour défendre les intérêts du football africain. Ni béni oui oui. Ni quelqu’un dont on peut marcher sur les pieds, sans qu’il ne dise mot. Hayatou inspirait respect. Et crainte. Plusieurs réformes ont été opérées sous son impulsion, dont celle liée au format de la CAN, passée de 12 à 16 pays en 1996.

C’est vrai, il aurait pu faire davantage en plus de 2 décennies. Mais un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Car, au regard de ce qui se passe aujourd’hui à la CAF, il est clair que le « Sultan » Hayatou n’aurait pas accepté que son Institution soit à la remorque de la FIFA. Comme une marionnette. Il n’aurait pas non plus regardé, sans rien dire, la prise en otage de la CAF par la FIFA. Comme elle l’est aujourd’hui. Cette ingérence de la FIFA, par son immixtion dans le choix du président, par l’affectation d’un employé pour gérer son administration, au détriment des cadres africains, est pour le moins intolérable. Et inacceptable.

En fait, la CAF est un réservoir de voix pour Infantino dans la perspective des élections à venir à la FIFA. Et, tout porte à croire que l’Italo-Suisse a mis le football africain sous ses aisselles. Ce qui n’aurait pas été possible, ni acceptable avec le « dictateur » camerounais.

Le bon Dieu a rappelé Issa Hayatou. N’empêche que le football africain gardera pendant longtemps en mémoire l’image d’un président de la CAF, intransigeant. Et redresseur de tort. Me Roger Ouégnin, le président de l’Asec Mimosas, ne dira pas le contraire. Alors qu’il avait été éjecté de la Commission d’organisation des compétitions interclubs, le Camerounais l’a réhabilité et l’a aussitôt exceptionnellement intégré à la Commission juridique.

Y a-t-il meilleur désaveu que l’acte posé par l’ex-président de la CAF pour réhabiliter Me RO ? Que nenni ! : « Issa Hayatou a marqué de son empreinte l’histoire du football sur notre continent par son engagement indéfectible et sa vision pour l’évolution de ce sport (…), Sa disparition est une perte humaine pour tous ceux qui ont eu l’honneur de le connaître et de travailler à ses côtés (…) », a-t-il écrit. A raison. Pour la petite hisoire, c’est à Casablanca, le 10 mars 1988, qu’Issa Hayatou a été élu 5ème président de la CAF. Et ce, au terme de la XVIIIe AG de la CAF à l’hôtel SAFIR. Il a battu, à l’issue d’un scrutin serré, au 2ème tour, le Togolais Godfried Ekué avec 22 voix contre 18. Il part donc en laissant un bel héritage à ceux qui ont pris le relais après sa défaite en 2017. Cela dit personne ne peut affirmer que l’homme était un Saint. Car, sa gouvernance n’a jamais été un long fleuve tranquille.

On lui reprochait une certaine opacité dans sa gestion des droites télés. Et bien d’autres choses. Il était aussi champion dans la confiscation du pouvoir.  Usant d’un code électoral inique et taillé sur mesure, il a éliminé arbitrairement le candidat ivoirien Jacques Anouma en 2013. C’est un peu par sa faute, si un candidat sans envergure comme le Malgache Ahmad, a dirigé la CAF, au détriment de JBA. Mais passons. Le vin étant déjà tiré. Quittons Hayatou sur ce bel hommage de son jeune compatriote, Eto’o, icône du football africain et 4 fois Ballon d’or de la CAF : «  Le président Issa Hayatou a toujours su, par son leadership, son entregent, et son sens du compromis, défendre la voix de l’Afrique. Nous lui devons beaucoup. » Rideau.

Une petite note d’humour dans cette chronique. La Côte d’Ivoire a célébré ses 64 ans. Elle a revêtu sa tenue d’apparat pour nous offrir un très beau défilé. Mais la fête n’aurait pas réussi si le Trophée de la CAN n’avait pas aussi défilé. Mais le privilège de le tenir devant le Prado, ne devait revenir qu’à lui seul. Yacine Idriss Diallo. Après tout, c’est sa Coupe. Et puis, qui est fou… ? Qui sait si ce Trophée ne méritera pas demain un poste de ministre… ? Sait-on jamais.

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp

A lire aussi